Malgré des critiques de plus en plus nombreuses, les maisons de disques maintiennent résolument le cap dans leur lutte contre les téléchargements illégaux. Réunis à l’Olympia, les représentants de la Société civile des producteurs phonographiques (SCPP) et du Syndicat national de l’édition phonographique (Snep) ont fait le point sur leur stratégie offensive.
«Une cinquantaine d’actions judiciaires [contre de présumés pirates] ont été lancées, dont plus de la moitié ont déjà donné lieu à l’intervention de la justice», a déclaré Marc Guez, directeur général de la SCPP. La société s’attaque en priorité à ceux qui mettent à disposition le plus de fichiers musicaux illégaux sur les réseaux "peer-to-peer".
«Les plus gros vont au pénal», a-t-il poursuivi. Certains ont déjà reçu la visite de la police ou de la gendarmerie à leur domicile, qui a saisi leur ordinateur. Ils risquent jusqu’à trois de prison et 300.000 euros d’amende. Les premiers verdicts devraient tomber courant 2005. La SPPF et l’UPFI, qui représentent les producteurs indépendants en France, vont faire de même, dans les semaines à venir, ont-elles indiqué le même jour dans un communiqué.
«Tout est fait à la main, sans créer de fichiers...»
Les autres – «les moins gros des plus gros», selon la formule de Marc Guez – sont poursuivis au civil. Dans ce cas, la SCCP et le Snep demandent au juge de suspendre ou de résilier l’abonnement d’un pirate. Plusieurs de ces actions devraient aboutir «à brève échéance». C’est la charte d’engagements, signée en juillet entre producteurs et fournisseurs d’accès à internet, sous l’égide de Nicolas Sarkozy, qui a instauré cette seconde voie, moins brutale, que des actions pénales.
Aucun prestataire extérieur, ni «aucun moyen technique particulier» n’intervient pour repérer les internautes visés, garantit Guez. Selon lui, «tout est fait à la main, sans créer de fichiers, même manuels». Jusqu’à cet été, la loi informatique et libertés de 1978 ne leur permettait pas de tracer et de conserver à grande échelle les adresses IP des contrevenants. C’est désormais possible grâce à la disposition relative aux fichiers d’infractions.
La SCPP va donc très vite demander des autorisations à la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) pour passer à des traitements automatisés. Cela lui permettra non seulement de ficher plus facilement les pirates, mais également de mettre en œuvre une autre des mesures prévues dans la charte de juillet: demander aux FAI d’envoyer des messages d’avertissements aux internautes repérés.
Cette offensive conjuguée du Snep et de la SCPP fait partie d'une campagne de dimension européenne des membres de l'IFPI (la Fédération internationale de l’industrie phonographique). Ils se sont concertés dans six pays (Allemagne, Autriche, France, Italie, Danemark et Royaume-Uni) pour annoncer ce jeudi combien d'internautes sont dans leur collimateur: depuis environ six mois, 700 plaintes individuelles au total sont instruites. Outre-manche, parexemple, ils sont 28 à trembler, comme le rapporte Silicon.com aujourd'hui.
Le PS renvoyé dans les cordes
Selon la SCPP, ces actions, aussi impopulaires soient-elles, portent leurs fruits. Grâce aux procès similaires intentés en Europe et aux États-Unis, le nombre de fichiers musicaux téléchargés a diminué de 30% entre juin 2003 et juin 2004, a calculé l’IFPI. Par ailleurs, la fréquentation de Kazaa, l’un des systèmes d’échanges les plus populaires, a baissé de 41% en un an.
Les contestations portant sur ces statistiques sont immédiatement contrées: «Nos actions ont un effet significatif et déterminant», martèle Marc Guez. «Certes le trafic des réseaux peer-to-peer augmente», concède-t-il. «Mais ce sont les échanges de films et de jeux vidéo qui augmentent, car ces industries n’ont pas encore intenté d’actions comparables aux nôtres.»
De même, il est évident que les utilisateurs de Kazaa sont passés à d’autres outils, comme BitTorrent, Emule ou WinMX. «Mais nous sommes convaincus que nous obtiendrons les mêmes résultats lorsque nous nous attaquerons véritablement aux autres protocoles», précise le représentant de la SCPP. Et pour lui, des milliers de procès ne seront pas nécessaires pour convaincre les internautes de se détourner de ces systèmes: «Les gens s’arrêteront spontanément sachant qu’ils risquent une condamnation.»
Les maisons de disques ne veulent en revanche pas entendre parler de «moratoire» sur ces poursuites, comme le propose le parti socialiste. «Le moratoire n’a que trop duré», s’indigne Gilles Bressand, président du Snep. «Nous avons attendu plus que de raison la transposition de la directive e-commerce (devenue loi pour la confiance dans l’économie numérique en France) et pendant ce temps nous avons été pillés.»
Par Estelle Dumout
ZDNet France
Jeudi 7 octobre 2004