L'ÉDITION MUSICALE
Qu’est-ce que l’édition musicale ?
À l'origine, l'éditeur musical était la personne qui, ayant assuré la transcription de l'œuvre sur papier, vendait les partitions en vue de faire exécuter cette œuvre. Il agissait ainsi comme un éditeur littéraire, en vendant des exemplaires graphiques de l’œuvre. Cet aspect important de l'édition musicale est encore prédominant dans la musique classique mais, dans la musique « légère », ne constitue plus qu'un aspect secondaire du travail éditorial. L'évolution des techniques de reproduction a en effet conduit l'éditeur de musique à concentrer ses efforts sur la diffusion de l’œuvre par tous supports et même en l’absence de supports : diffusions audiovisuelles (radio, télévision, vidéomusique), représentations vivantes (spectacles, aides aux tournées), synchronisations (reproduction de l’œuvre comme générique d’un film, etc.). Alors que le producteur n'est intéressé que par la diffusion de l'enregistrement de l’œuvre qu'il a réalisée, l'éditeur est intéressé à toutes les formes de diffusion de son œuvre. Son champ d'action est donc beaucoup plus vaste que celui du producteur et, beaucoup plus étendu dans le temps. Un contrat d’édition est donc une convention conclue par un auteur cédant à l’éditeur une partie de ses droits sur son œuvre afin que l’éditeur en favorise l’exploitation.
Souvenez-vous de tous les supports où vous avez vu ou entendu la chanson « Happy birthday to you ». Bien sûr, il y a eu une multitude d'enregistrements en toutes langues, des partitions réalisées spécialement pour les enfants, en vue de l'apprentissage de telle ou telle méthode de piano; mais chaque année également, reviennent sur le marché les cartes musicales développant le thème du refrain dès qu'on les ouvre, il y a des bougies chantantes qui reproduisent l’œuvre aussitôt qu'on les allume, cette chanson est enfin reprise dans un nombre extraordinaire de films et de publicités. Toutes ces exploitations de l’œuvre ont été suscitées par l'éditeur. Pourtant, l'enregistrement du premier disque a disparu du marché. Mais l'exploitation de l’œuvre continue à travers le temps.
L'éditeur n'est pas forcément celui qui fabrique les différents supports de diffusion de l’œuvre (à l’exception des partitions). Il est plutôt celui qui suscite ses fabrications à travers le monde et dans les différentes industries. De la sorte, on peut vraiment dire qu'un éditeur est, en principe, un « agent » de l’œuvre. Comme un manager fait avec son artiste, l'éditeur va essayer de placer l’œuvre partout où il le peut.
Il ne le fait pas par vocation humanitaire mais parce qu'il perçoit un revenu chaque fois que l’œuvre est exploitée. C'est l'aspect essentiel du contrat d'édition musicale : l'auteur et le compositeur cèdent à l'éditeur une partie de leurs droits d'auteur en contrepartie de l'engagement que prend l'éditeur de déployer son activité pour favoriser l'exploitation de l'œuvre.
La rémunération de l'éditeur
Par la conclusion du contrat d'édition, l'auteur cède à l'éditeur une partie de ses droits sur l’œuvre ou les œuvres qu’il a écrites.
Aujourd'hui, la part de droits cédés par l'auteur à l'éditeur est, en pratique, déterminée par les règlements des sociétés d'auteur, en tout cas lorsqu'il s'agit des droits d'exécution publique.
Pour ceux-ci, la règle applicable en France est celle des trois tiers : un tiers pour l'éditeur, un tiers pour l'auteur et un tiers pour le compositeur ce qui s’exprime de la manière suivante :
- Auteur 4/12
- Compositeur 4/12
- Éditeur 4/12
- Total 12/12
En Belgique et aux États-Unis, c'est la règle 50/50 qui est appliquée : 50 % des droits d'exécution publique reviennent à l'éditeur, l'autre partie revenant aux auteurs compositeurs. Ce qui est exprimé comme suit :
- Auteur3/12
- Compositeur3/12
- Éditeur6/12
Il en va différemment, en théorie, pour les droits de reproduction mécanique. En effet, pour des raisons historiques, les sociétés d'auteur ne disposent pas, la plupart du temps, du droit d'imposer à leurs membres les règles applicables en cas d'édition. C'est donc le principe de la détermination conventionnelle entre les parties qui joue pour ces droits. Dans la plupart des contrats standards, la cession des droits mécaniques à l'éditeur est actuellement faite sur une base 50/50, qu'il s'agisse de contrats français ou belges.
Les cessions ainsi consenties au profit de l'éditeur ont pour conséquence pratique, que, lorsque la société de l'auteur devra rémunérer celui-ci, elle réservera une partie des droits qui lui sont dus à l'éditeur.
En d'autres termes, l'éditeur, sauf exception, ne paye pas directement l'auteur mais il partage la rémunération en provenance de la société d'auteur. Au contraire, dans la matière de l'édition littéraire, c'est bien l'éditeur qui verse directement à l'auteur ses redevances. Il en est ainsi parce que les éditeurs et les auteurs compositeurs, membres de sociétés d'auteur ont donné à celles-ci l'autorisation de gérer leurs droits. C'est donc, dans la plupart des cas, ces sociétés elles seules qui perçoivent la rémunération pour l'exploitation de l’œuvre et la rétrocèdent ensuite aux ayants droit.
Toutefois, certains droits n'ont pas été cédés aux sociétés d'auteurs. Il en est ainsi, principalement, de l' « édition-papier » c'est-à-dire l'édition de partition de musique imprimée, et les droits de synchronisation. Ces droits ne transitent donc pas par les sociétés d'auteur et sont directement versés par les utilisateurs à l'éditeur. L'éditeur est tenu par contrat à en rétrocéder une partie, librement négociée lors du contrat, à l'auteur. C'est la raison pour laquelle les auteurs reçoivent parfois des redevances directement de la part de leur éditeur.
Clauses essentielles du contrat d’édition
1. En général, l’éditeur doit remplir une obligation générale de tout mettre en œuvre pour assurer la meilleure exploitation possible de l’œuvre. Il n’est pas obligé d’en faire un succès. Mais il est tenu de tout faire pour y arriver. Si votre œuvre n’est pas commercialisée, vous pouvez obliger votre éditeur à entreprendre des démarches auprès des firmes de disques et à vous en donner les preuves. Si votre œuvre est déjà commercialisée, il doit participer matériellement à sa promotion : cofinancement d’une vidéomusique, impression d’affiches pour les concerts, etc. Certaines lois nationales obligent l’éditeur à publier l’œuvre, c’est-à-dire à assurer l’impression de partitions (« formats »).
2. - L’éditeur doit vous rendre compte de son exploitation. Il doit vous adresser annuellement ou deux fois par an un relevé d’exploitation et vous payer les droits qui vous reviennent. Ces droits ne doivent pas être confondus avec les droits payés par les sociétés d’auteurs. Il s’agit essentiellement des droits de reproduction graphique (partitions, songbooks, etc.) et des droits de synchronisation.
La sous-édition
Par le contrat de sous-édition, l’éditeur d’une œuvre confère à un autre éditeur le droit de percevoir une partie des redevances générées par l’œuvre sur un ou plusieurs territoires. En principe, le sous-éditeur est la personne qui est sensée représenter l’éditeur à l’étranger et l’aider à favoriser l’exploitation de ses œuvres sur ce territoire. En pratique, la sous-édition est devenue une condition à la signature de certains contrats de licence ou une manière de contrôler de plus près la gestion des droits d’auteur.
La sous-édition ne doit pas être confondue avec la coédition dont elle se distingue par au moins deux éléments. D’une part, le coéditeur est, au même titre que l’éditeur, propriétaire de l’œuvre, alors que le sous-éditeur n’est qu’un cessionnaire de certains droits. D’autre part, le sous-éditeur n’est « attaché » à l’œuvre que pour certains territoires alors que le coéditeur perçoit généralement dans le monde entier.
Le partage des droits
Sur base d’une répartition classique, les droits mécaniques générés par l’exploitation d’une œuvre musicale sont, on l’a vu, partagés comme suit :
- Éditeur Original : 50 %
- Auteur : 25 %
- Compositeur : 25 %
Les droits d’exécution publique suivent le même sort :
- Éditeur Original : 6/12
- Auteur : 3/12
- Compositeur : 3/12
En cas de sous-édition, la répartition classique est de :
- Éditeur Original : 3/12 (25% en droits mécaniques)
- Sous-éditeur : 3/12 (25% en droits mécaniques)
- Auteur : 3/12 (25% en droits mécaniques)
- Compositeur : 3/12 (25% en droits mécaniques)
Comme on le constate, ce type de sous-édition n’entame en rien les parts des auteurs qui restent égales, qu’il y ait ou non sous-édition. Seul l’éditeur cède une part de ses propres droits (en général la moitié de ceux-ci). En revanche, certains contrats d’édition autorisent l’éditeur à céder jusqu’à cinquante pour cent des droits totaux, ce qui revient à autoriser l’éditeur à céder au sous-éditeur la moitié des droits des auteurs. La répartition devient alors :
- Éditeur Original : 3/12 (25% en droits mécaniques)
- Sous-éditeur : 6/12 (50% en droits mécaniques)
- Auteur : 6/48 (12.5% en droits mécaniques)
- Compositeur : 6/48 (12,5% en droits mécaniques)
Cette pratique est autorisée par certaines sociétés d’auteurs mais refusée par d’autres : ainsi la SACEM s’y oppose mais la SABAM l’autorise...
L’avance sous-éditoriale vis-à-vis de l’éditeur
Il est usuel que le sous-éditeur verse à l’éditeur une avance récupérable mais non remboursable sur les droits à venir. Comme pour toute avance, le sous-éditeur ne versera aucun droit à l’éditeur tant qu’il n’aura pas été remboursé lui-même. Ceci implique donc que le sous-éditeur perçoit la part de l’éditeur jusqu’à récupération de ladite avance. En pratique, le contrat de sous-édition stipule que le sous-éditeur est autorisé à toucher la part de l’éditeur jusqu’à récupération complète de l’avance; à dater de ce moment, il continuera de percevoir la part éditoriale mais en rétrocédera la moitié à l’éditeur. Qu’en est-il de la part des auteurs ? Il faut distinguer selon le type de droits. En général, la part des auteurs relative aux droits d’exécution ne peut être perçue directement par le sous-éditeur, car les droits d’exécution sont exclusivement gérés par les sociétés d’auteurs. Il en va tout autrement des droits mécaniques dont la gestion est plus libre et l’on voit fréquemment des sous-éditeurs autorisés à « collecter » la totalité des droits mécaniques, en ce comprise la part des auteurs. On voit aussitôt la tentation du sous-éditeur : récupérer l’avance consentie au seul éditeur sur les droits mécaniques revenant aux auteurs qui ne sont pas même informés de l’existence d’une avance. Cette pratique, extrêmement fréquente, s’apparente à du vol et n’est pas aisée à découvrir.
Particularités du contrat de sous-édition
- Durée : un contrat de sous-édition ne peut avoir une durée inférieure à 3 ans, en raison des règles adoptées par la C.I.S.A.C. mais peut être prolongé pour des durées plus courtes. Une durée de 4 ans est usuelle. Certains contrats prévoient que si l’avance concédée n’est pas récupérée à l’issue du terme, le contrat se prolonge automatiquement d’une durée de 1 ans.
- Territoires : il convient de définir précisément les territoires concédés. En France, par exemple, la SACEM recommande non seulement de définir précisément le statut de certains territoires (notamment le Grand-duché de Luxembourg) mais également celui de certains émetteurs. Ainsi, concernant RTL, il convient de préciser s’il s’agit des stations françaises, allemandes, luxembourgeoise, etc.
- Nature du contrat : le sous-éditeur perçoit-il des droits mécaniques sur tout support vendu dans son territoire (quel que soit le pays où il est produit) ou sur tout support fabriqué sur son territoire ?
Réalisé par Bernard Bélanger