Après la vague d'actions judiciaires lancée en 2004, la Société civile des producteurs phonographiques (SCCP) s'apprête à passer à une nouvelle étape de son offensive contre les utilisateurs des réseaux peer-to-peer. Selon son directeur général, Marc Guez, elle va déposer dès la semaine prochaine une demande d'autorisation auprès de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil), pour pouvoir envoyer par e-mail des messages d'avertissement aux internautes pris sur le fait.
Il lui faut pour cela constituer des fichiers contenant les adresses IP par lesquelles sont passées ces personnes pour télécharger et mettre à disposition des morceaux de musique. Des données que la Cnil a toujours considérées comme étant personnelles. Or, depuis l'été 2004, la réforme de la loi informatique et libertés permet aux autorités publiques et aux personnes morales «habilitées» de constituer des fichiers dits «d'infraction». Parmi les habilitations prévues par la loi (telle qu'elle a été corrigée par le Conseil constitutionnel), sont directement cités les ayants droit chargés de défendre la propriété intellectuelle.
Concrètement, la SCPP peut donc désormais ficher les adresses IP des internautes qu'elle soupçonne d'échanger illégalement des fichiers sur les réseaux peer-to-peer. Il lui faut toutefois, avant de passer à l'action, obtenir l'aval de la Cnil sur les méthodes qu'elle compte employer.
La Cnil a deux mois pour se prononcer
La Commission a d'ores et déjà indiqué que les adresses IP collectées ne doivent concerner que les «délits d'habitude», autrement dit les personnes qui mettent manifestement à disposition de nombreux fichiers et de façon répétée. De plus, ces données ne doivent concerner que l'échange de titres inscrits au catalogue de la société qui mène l'enquête, et ne peuvent pas être transmises à des tiers. Enfin, elles doivent être conservées au maximum pendant un an.
Marc Guez a précisé que la SCPP n'a pas encore fait son choix sur le prestataire technique envisagé pour cette mission. Deux sociétés françaises sont sur les rangs: Advestigo et Copeer Right Agency. La première, une société anonyme de Gif-sur-Yvette (Essonne), a développé une solution de traçabilité des œuvres multimédias grâce à «un système de comparaison d'empreintes numériques». Elle est soutenue par l'Anvar (Agence nationale de valorisation de la recherche) et a bénéficié en novembre 2004 d'une première levée de fonds de 3,5 millions d'euros. La seconde, une SARL parisienne créée en 2003, propose tout simplement d'identifier les contrefacteurs et les fichiers illégaux, et de diffuser des fichiers clones et leurres pour ralentir l'activité des réseaux peer-to-peer.
La Cnil doit se prononcer dans les deux mois après la soumission du dossier. Pendant ce temps, la SCPP annonce qu'elle continuera à noter «manuellement» les internautes qui mettent le plus de fichiers à disposition, pour les poursuivre soit au pénal, soit au civil afin d'obtenir des déconnexions de la part de leur fournisseur d'accès internet
Par Estelle Dumout
ZDNet France
Mercredi 12 janvier 2005