Extrait de l'indispensable blog "Digital JukeBox" de l'excellent Philippe Astor de ZDNet http://blogs.zdnet.fr/
"A l’intention de Philippe Astor ou d’intervenants renseignés
L'article :
"Une firme de capital-risque britannique, Ingenious Media, est en train de lever un fond de 20 millions de livres pour investir dans le développement de nouveaux talents musicaux en Angleterre et à l’international. Ingenious Media, qui a servi de conseiller financier dans le deal mirifique entre le chanteur Robbie Williams et la maison de disque EMI, a déjà investi dans des start-up musicales comme l’éditeur Stage Three Music ou le label de dance Cream. Le business de la musique et les perspectives que lui ouvrent la dématérialisation sont manifestement un nouveau créneau porteur en matière de capital-risque.
De son côté, l’AIM (Association of Indepent Music), qui représente les labels indépendants anglais, organise des rencontres entre labels et business angels ou fonds de capital risque au cours de ses journées ‘Big Wednesday”, des séries d’ateliers, de séminaires et de séances de networking qui se déroulent tout au long de l’année. Les nouvelles perspectives de croissance du business de la musique amènent les acteurs indépendants du secteur à se tourner vers des modes de financement d’entreprises de croissance mieux adaptés à leurs besoins, et similaires à ceux des start-up de l’ère Internet. Au cours de récents Big Wednesday, les labels anglais ont pu rencontrer toute une variété d’investisseurs potentiels. Cette initiative de l’AIM, qui rappellent les fameux First Thursday de l’ère des dotcoms, intervient au moment où des fonds substantiels sont levés pour des investissements ou des acquisitions dans le secteur de la musique."
Je n’avais jamais entendu parler des collaborations financières dont vous parlez dans votre article du jeudi 24 (je ne suis pas non plus un spécialiste en la matière il faut dire). Si j’ai bien compris, des firmes de capital-risques, au meme titre qu’elles pourraient investir dans d’autres secteurs et d’autes types d’entreprises, investissent massivement dans de petites structures musicales prometteuses afin de leur donner le poid necessaire pour se develloper ou se faire valoir auprès des grandes maisons de disques. Escomptant les bons retours bien sùre.
Ces modes de financements s’adressent ils d’abord à des labels et éditeurs indépendants “habituels” éventuellement soucieux de continuer à travailler par eux meme, ou plutot à de nouvelles structures conçues pour concurencer les “éléphants", en se servant, par exemple, mieux d’internet que les circuits plus lourds et plus anciens? Vous parlez entre autre de U2 et Eminem, dont j’imagine qu’ils n’ont aucun mal à naviguer dans les grands circuits commerciaux traditionnels s’ils le souhaitent. Existe t’il par ailleurs des labels et des groupes moins installés commercialement, et musicalement moins “main stream", mais qui prétendent ou cherchent à capter ses moyens de financements dans le but de sauvegarder leur indépendance financière (et donc musicale)?
Si c’était le cas, les “petits” pourraient s’octroyer une marge de manoeuvre interessante face à l’"entonnoir” de la prod et de la distribution. L’idée un peu bourrue mais populaire (parceque lapidaire) celon laquelle qualité musicale et modes de financements puissant ne font pas bon ménage serait encore un peu plus bousculée dans les faits (je ne suis pas de droite, juste un fan invétéré de Velvet, des Pistols et de l’aventure Public Ennemy! ). Ce serait un beau pied de nez aux querelles entres “purs” et “durs” que les courtiers viennent au secours de la diversité musicale! Euh, je suis un peu utopiste là non?!
Je vous remercie d’avance pour votre réponse.
Comment par asselin — 26/2/2005 @ 16:01
@Asselin
Je ne fais qu’observer et rapporter ce qui se passe. Certaines sociétés de capital risque lèvent maifestement des fonds pour investir dans la musique. Ce qui les motive, je pense, ce sont les perspectives de la dématérialisation, notamment sur les mobiles. Je vous rappelle que les ventes de sonneries représentent à ce jour l’équivalent de 10 % du marché du disque au niveau mondial, et ce malgré le retard considérable (et très temporaire, soyez-en sûr) du marché américain. On peut très facilement projeter, en étant dfficilement contredit, que le marché de la “Mobile Music” représentera l’équivalent du marché du disque d’ici cinq ans. Pour un capital-risqueur, toute entreprise susceptible d’entrer sur ce marché devient ce qu’on appelait aux beaux jours d’Internet une “entreprise de croissance” potentielle (+30 % par an).
Je vous rappelle également que le rachat de Warner Music à Time Warner a été financé par des firmes de capital risque (Thomas H. Lee Partners, Bain Capital), à hauteur de 2,6 milliards de dollars. Warner Music devrait être introduit en bourse avant mi-2005 et espère être valorisé à hauteur de 5 milliards de dollars. Le genre de bascule susceptible d’attirer de nombreux investisseurs.
Autre symptôme, de nombreux artistes qui ont squatté les Top ventes en Angleterre cette année sont produits par des labels indépendants (exemple : Franz Ferdinand). Le milieu indé est certes plus vigoureux outre-Manche que chez nous, mais c’est également vrai aux Etats-Unis. Il devient donc pertinent d’investir dans ce genre de label, à condition qu’ils puissent bénéficier d’une distribution internationale, ce qui passe souvent par les majors.
Cela dit, les majors se désengagent de plus en plus du développement d’artistes proprement dit et capitalisent au maximum sur leurs droits de propriété intellectuelle déjà existants. Elles se proposent également de jouer le rôle d’incubateur en finançant certains labels indépendants (sous réserve de récupérer ensuite le bébé, bien sûr, à partir du moment où un artiste marche).
Je pense cependant qu’on peut s’attendre à voir apparaître des “start-up musicales” susceptibles de lever de fonds considérables, d’autant plus que la restructuration engagée par les majors ces dernières années a laissé des milliers de gens talentueux sur le carreau, qu’il s’agisse de développeurs de nouveaux talents ou d’artistes qui avaient déjà une certaine notoriété. Le britannique Sanctuary, un indépendant, affiche un taux de croissance insolent depuis plusieurs année en capitalisant sur des artistes délaissés par les majors, comme Iron Maiden ou Lynyrd Skynyrd et en développant un modèle de business basée non seulement sur le disque, mais aussi sur la scène, le merchandising, les droits d’image, etc. De ce point de vue , c’est vraiment un précurseur.
On peut considérer qu’un label comme Zomba (financé à l’orgine à 50 % par BMG et racheté totalement ensuite à prix d’or) incarne le genre de start-up auxquelles je fais référence. Cela nous a valu Britney Spears, et c’est loin de l’utopie que vous évoquez. Mais les modèles de business susceptibles de se développer sont très variés et des acteurs totalement inconnus jusqu’à présent où nés de nulle part sont susceptibles de venir tailler des croupières aux majors, avec l’aide de capital-risqueurs. C’est ce qui s’est passé avec Yahoo, Amazon et consorts dans un autre registre, non ? Les ténors de l’internet aujourd’hui ne sont pas ceux qui contrôlaient les médias traditionnels. Je crois qu’il en ira de même dans la musique. De là à imaginer qu’un petit label indé de la Creuse qui a sorti trois albums de hardcore va lever 20 millions d’euros… On n’est plus à l’heure de la bulle Internet.
Comment par Philippe Astor — 27/2/2005 @ 15:42 "
Tout ceci donne à refléchir et à réagir, oui, la récupération de la musique "libre, indépendante et auto produite" est en passe d'être récupéré par le "marché", que va t-il nous rester, avant nous déjà perdu d'avance le combat que nous menons pour une plus grande visibilité des artistes indépendants. Nous verrons bien et en attendant nous continuons notre chemin..