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La copie privée légitimée par la cour d'appel de Montpellier

Peer2peerC'est un arrêt inédit. La cour a estimé que le prévenu, poursuivi pour avoir téléchargé et copié 500 films, a respecté le droit de la propriété intellectuelle, puisqu'il n'en a fait qu'un usage privé. Les éditeurs vidéo se pourvoient en cassation. Quelles pratiques relèvent de la copie privée, quelles pratiques peuvent être considérées comme du piratage?


L'arrêt rendu par la cour d'appel de Montpellier le 10 mars apporte une réponse inédite, dans un débat où s'opposent l'industrie du disque et du cinéma aux internautes et consommateurs.

La cour a confirmé la relaxe, prononcée en première instance par le tribunal de Rodez, à l'encontre d'un internaute poursuivi pour avoir téléchargé ou copié à partir de DVD prêtés, environ 500 films. Du côté des plaignants déboutés, figurent le Syndicat national de l'édition vidéo (SEV), la Fédération nationale des distributeurs de films (FNDF) et le studio Twentieth Century Fox.

Dans son arrêt, le juge s'appuie sur les articles L.122-3, L.122-4 et L.122-5 du code de propriété intellectuelle, qui stipulent que «lorsqu'une oeuvre a été divulguée, l'auteur ne peut interdire les copies ou reproductions strictement réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective».

Peu importe le caractère licite des fichiers d'origine...

La cour rappelle que «tout au plus, le prévenu a admis avoir regardé une de ces copies en présence d'un ou deux copains et avoir prêté des CR gravés à quelques copains». Elle estime qu'«on ne peut déduire de ces seuls faits que les copies réalisées ne l'ont pas été en vue de l'usage privé visé par le texte». La relaxe de première instance est donc justifiée.

«C'est le premier arrêt qui existe en France en la matière», explique à ZDNet Lionel Thoumyre, juriste au Forum des droits pour l"internet (FDI) et responsable, en son nom propre, du site Juriscom.net (qui publie une copie du présent arrêt). «Le juge n'a même pas regardé si la source [des fichiers] est licite ou pas, car d'un point de vue juridique, la loi ne distingue pas la source.»

Sa décision réduit à néant l'idée reçue selon laquelle il faut absolument avoir l'original d'un CD ou d'un DVD pour être autorisé à en faire une copie à usage privé. «Certains ayants droit essaient de nous le faire croire, mais ce n'est écrit nulle part», poursuit le juriste.

Mais il note que la cour semble plus encline à faire bénéficier un prévenu d'une relaxe lorsque la copie privée est compensée par l'achat de CD-R ou DVD-R, dont le prix comprend une redevance pour copie privée.

Le SEV se pourvoit en cassation

Quoi qu'il en soit,  l'arrêt va à contre-sens du verdict, en première instance, rendu le 2 février dernier à l'encontre d'Alexis poursuivi par les maisons de disque, pour téléchargement illégal sur les réseaux peer-to-peer. «Mais dans cette affaire, il y a l'élément d'acte de partage, de mise à disposition [de fichiers] sur les réseaux, qui sont clairement constitutifs d'une infraction», précise Lionel Thoumyre.

La cour d'appel de Montpellier contredit également une décision du tribunal de grande instance de Paris datant du 4 mai 2004, déjà saisi par le SEV et qui estimait que la copie «d'une œuvre éditée sur support numérique» peut «porter atteinte à [son] exploitation normale».

Les plaignants, en particulier le SEV, ne sont pas satisfaits. Dans un communiqué, le syndicat rappelle que «le litige concerne des copies de films effectuées sur CD, dont une partie provenait de téléchargements préalablement effectués et qu'il considère que la copie, à partir d'une source illicite comme peut l'être un site d'échanges (ou de peer-to-peer) est toujours illégale».

Il a donc décidé de se pourvoir en cassation, car il «ne trouve pas, dans la motivation de la cour d'appel, une réponse à cette question».

Si la Cour de cassation le déboute, «il y a de fortes chances que toute l'industrie, aussi bien du disque que du cinéma, ait à se réorganiser», souligne Lionel Thoumyre. Et les pistes à envisager seraient éventuellement d'instaurer une taxe sur tous les disques durs ou de permettre le prélèvement d'une licence légale sur les abonnements internet. La polémique a encore de beaux jours devant elle…

Par Estelle Dumout
ZDNet France
Vendredi 11 mars 2005


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