L'Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE) refuse de stigmatiser le peer-to-peer. Dans un rapport sur le marché de la musique en ligne et ses impacts sur l'industrie traditionnelle du disque (*), ses auteurs préfèrent insister sur la nécessité de «trouver un équilibre entre les différentes utilisations des nouvelles technologies, légitimes et innovantes, pour la musique en ligne, et la protection indispensable des droits de propriété intellectuelle».
Ils reconnaissent qu'entre 1999 et 2000, l'industrie du disque a essuyé une perte de chiffre d'affaires de l'ordre de 20%, mais soulignent que cette baisse n'est pas uniforme dans tous les pays membres de l'OCDE. «Certains pays, comme les États-Unis, la France, les Pays-Bas, le Japon ou l'Allemagne, ont connu un déclin important, tandis que d'autres, à l'instar du Royaume-Uni, ont eu des ventes stables, ou en hausse.»
Ce constat les amène à rejeter l'argument des majors du disque, qui consiste à désigner le peer-to-peer comme la cause majeure de leurs difficultés économiques: «Il est très difficile de prouver une relation de cause à effet entre l'ampleur de la baisse des ventes de musique et l'augmentation des échanges en ligne», écrivent-ils. «Les ventes de CD, comme le succès des services de téléchargement légaux, ont pu être affectés à un certain degré par d'autres facteurs, par exemple, la piraterie physique et la gravure de CD, la concurrence d'autres produits de divertissement plus récents et une dépense moindre des consommateurs sur certains marchés.»
Des revenus multipliés par trois d'ici à 2008
Tout en appelant les pouvoirs publics à revoir leurs politiques en matière de lutte contre le piratage, l'OCDE estime que les maisons de disques et le reste du secteur n'ont pas encore su totalement profiter de ce que peuvent apporter l'internet et les nouvelles technologies au secteur. «Si le problème de la piraterie sur internet est correctement pris en charge, le peer-to-peer légal et de nouvelles formes de superdistribution pourraient être des facteurs de croissance importants», précise le rapport.
«Le défi est donc de trouver un modèle économique compatible avec le peer-to-peer pour fournir des contenus protégés par le copyright». Mais les auteurs ne s'aventurent pas à fournir leur propre solution.
Ils soulignent que les plates-formes légales de téléchargement peinent toujours à être rentables, à cause des prix actuellement pratiqués, d'une demande qui commence tout juste à augmenter et surtout de la concurrence des téléchargements gratuits et illégaux. Ils considèrent toutefois que les nouveaux services par abonnement – Napster, Rhapsody ou Yahoo – devraient être les plus économiquement viables, grâce aux revenus réguliers qu'ils assurent à toute la chaîne musicale.
L'OCDE estime que d'ici à 2008, les ventes de musique en ligne devraient être multipliées au minimum par trois par rapport à 2004, et représenter entre 5% et 10% des revenus de l'industrie. Reste toutefois à franchir un dernier écueil pour y parvenir: rendre compatibles les différents formats de DRM (gestion numérique des droits), afin que les morceaux puissent être lus sur tous les baladeurs du marchés.
(*) Lire le rapport de l'OCDE ici au format PDF : http://www.oecd.org/dataoecd/13/2/34995041.pdf
Par Estelle Dumout - ZDNet France